Interview avec Raphael Gielgen de Vitra

avec Raphael Gielgen, head of research @ Vitra


« Mon travail consiste à sortir des sentiers battus. »

Vous vous êtes déjà demandé où les avant-gardistes vont chercher l’inspiration ?

Qui de mieux que Raphael Gielgen, head of research and trend scouting chez Vitra, pour répondre à cette question !

Il faudrait être de glace pour rester indifférent à ses réflexion.

Quelles sont vos missions en tant que head of research and trend scouting pour Vitra ?
L’essence de Vitra est le mobilier et le design. Mon travail consiste à sortir des sentiers battus et à trouver de nouveaux contextes et cultures qui vont influencer ce coeur de métier.
Je suis un peu comme un « monsieur météo » qui prédit le temps qu’il va faire dans deux ou trois mois et l’impact que cela pourrait avoir sur la récolte d’un point de vue holistique.

 

Quel aspect de votre travail préférez-vous, et pourquoi ?
Voyager et comprendre. Mes recherches impliquent de lire beaucoup. Je me promène un peu partout pour comprendre pourquoi les gens travaillent de telle façon et comment ils perçoivent le futur. Nous étudions les perceptions des clients de multiples façons.

Par exemple, nous organisons des journées d’étude avec une vingtaine de clients où nous les invitons à « plonger » dans les écosystèmes de la Silicon Valley et à réfléchir aux principaux sujets qui influenceront les agendas de travail de demain.

Nous utilisons aussi la plateforme de crowdstorming Jovoto pour étudier des thèmes comme l’aménagement des lieux de travail et nous organisons des hackathons de 48 heures pour dénicher de nouvelles idées.

 

Quelles leçons tirez-vous de votre expérience ?

Je pense qu’il est très important de sortir de sa zone de confort et qu’il n’est pas possible d’imaginer seul ce qui est réalisable. Même quand vous pensez avoir entièrement exploité une idée, ce n’est pas fini – c’est comme un voyage sans fin.

Nous vivons à une époque où l’incertitude a un grand impact sur les business models et pour remédier à cela, nous
devons avoir une perception claire de ce que sera demain.

« Je ne choisirais jamais un confort remarquable si le
design n’était pas intéressant, de même que je ne choisirais
jamais un design remarquable s’il n’était pas confortable. »

Comment imaginez-vous les environnements de travail dans les 5 à 10 prochaines années ?
Nous devrions moins penser aux espaces de travail et davantage à la vision d’ensemble que constitue l’architecture
de travail, qu’il s’agisse de l’architecture physique ou de la façon dont elle est organisée. Cela peut être très rapide ou très lent –
une cabane en rondins dans le parc national de Redwood, par exemple.
Il faut aussi garder à l’esprit que les gens réfléchissent selon leurs expériences ; elles détermineront le futur et rien n’est mieux qu’une expérience partagée.

 

Est-ce difficile de dénicher des tendances ? Où trouvez-vous l’inspiration ?
Il ne s’agit pas des compétences mais plutôt de talent, il faut être curieux. Ensuite, il faut de l’empathie, et troisièmement, il faut être créatif.
J’identifie des sujets qui appartiennent à des contextes différents et j’essaie de relier les points. Je suis un généraliste, pas un expert dans un domaine bien particulier, mais je parviens à avoir une vue d’ensemble.

 

Comment distinguez-vous une vraie tendance d’un engouement éphémère ?
Penser de la sorte constituerait une menace dans mon travail, car plus vous pensez, moins vous êtes ouverts. Je ne suis pas un pionnier, mais je rassemble du contenu et livre une vision.
Je pense que certaines choses auront toujours plus d’influence que d’autres, mais ce n’est pas à moi de les définir.

«Nous devons avoir une perception claire
de ce que sera demain.»

Parmi les directions que vous avez
identifiées, lesquelles n’étaient
pas à votre goût ?
Je suis ouvert et optimiste, donc cela ne m’a jamais posé de problème. Ce n’est d’ailleurs pas à moi d’en juger. Le jugement est un problème sociétal et mon attitude est très différente – un peu comme celle d’un enfant en pleine croissance.


Si vous deviez choisir entre un « design remarquable » et un « confort remarquable », lequel choisiriez-vous ?
Les deux ! Je ne choisirais jamais un confort remarquable si le design n’était pas intéressant, de même que je ne choisirais jamais un design remarquable s’il n’était pas confortable.


Quel est votre élément de mobilier favori et pourquoi ?
Dans mon travail, il faut penser différemment et se demander quels éléments de mobilier bouleversent les habitudes et parmi ceux-là, quels seront les classiques de demain.


Quel est selon vous le secret du succès de Vitra ?
C’est le pouvoir de la beauté, du design. On peut citer toutes nos initiatives relatives au design - notre campus, le musée, les expositions, les livres –, toutes ces choses créent un centre de gravité qui oriente nos collaborateurs.


Quelle est la stratégie de Vitra pour le futur ?
« Project Vitra » est un projet sans fin : il s’agit de se redéfinir sans cesse. Notre mission est de challenger les demandes clients plutôt que de les accomplir simplement, et de les aider à passer aux étapes suivantes.